Des missions, des missions, je t'en foutrais des missions. C'est une mission ça ? Aller espionner le territoire neutre, comme si on pouvait souffrir d'une attaque de ces gens là, des faibles et des couards qui n'osait prêter allégeance à aucun prince pour n'être ni des perdants ni des gagnants. Des incapables à mon sens. Et pourtant, j'en avait connu un fut un temps. Il n'y a pas si longtemps que ça en vrai, mais pour moi, tout ce qui précédait ma 12e année, c'était loin derrière moi. Je ne sais si la raison pour laquelle je m'était dirigé vers Valhaine était que je souhaitais revoir cet homme qui avait été comme un père pour moi dans mes premières années, un professeur, un ami de jeu et surtout, un homme qui rendait ma mère heureuse par sa présence constante à ses côtés. Oui j'en voulais à mon père d'avoir disparu de ma vie si tôt, même si j'ignorais la raison de son absence. Je m'en fichais en réalité de cette raison. Quitte à en vouloir à la terre entière autant mettre mon père dans le même panier que les autres. En vouloir aux gens, c'était plus... facile.

Mais Valhaine ne fut pas ma destination finalement. Je ne voulais au fond pas croiser l'homme de mon enfance, du moins, pas encore. Je bifurquais et me dirigeais sans m'en rendre vraiment vers un lieu qui me semblait familier. Je ne reconnaissais rien autour de moi mais mes sens me pousser dans cette direction. Comme si les odeurs  le sons de l'eau m'étaient familiers, comme si la clarté du chemin qui y menait et la caresse des feuillages denses ne m'étaient pas inconnu, comme si mon esprit avait imprimer ce lieux et m'y menait sans autre forme de procès. Encore quelques pas, et m'y voila : le Fleuve de Lumière. Je sus son nom au moment où j'aperçus l'eau à la surface calme qui cachait des profondeurs si tourmentées. Ma mère m'en avait tant parlé. Je le sus aussi à la brillance de cette eau comme baignée de lumière, parsemée de diamants étincelants emplis d'odeur de... poissons ?

"Manoir attend !"

Mon petit félin noir avait bondit de mon épaule, trop heureux de pouvoir gambader au bord d'un fleuve plein de poissons frétillants. Je le rejoins tout en étant attentif aux alentours. Je ne souhaitais pas être surpris. Mise à part mon matou dynamique et ma bonne louve Mélaïna, j'étais seul. La louve alla s'allonger sagement au bord de l'eau pour se reposer du voyage. Il avait été bien long. Certes nous avions traversé Ângmâr en calèche, "gentiment" proposé par mon prince. Je remercierais Zarathos plus tard donc... Mais tout Nurnen, nous l'avions traversé à pieds et à pattes. Manoir se la jouait infatigable mais il avait passé le plus long du trajet, lové entre ma nuque et ma capuche. Trop facile. Il se la jouait aussi chasseur expérimenté :

*Viens la petit être sans défense que je te bouffe les entrailles*

*A mon avis, c'est plutôt le poisson qui va te bouffer...*

*La ferme sale chienne*

"Toujours les mots doux à ce que je vois. Un vrai couple"

*Grrr, dire que je suis forcé d'être attaché à ce cabot...*

"Désolé Manoir, je n'ai pas choisi de vous imposer ça"

Je m'assis près de ma louve qui me regarda avec tristesse. Manoir avait raison, ils étaient là à cause de moi.

*Ce n'est pas ta faute et c'est notre rôle à nous esprits totems de veiller sur toi qu'on le veuille ou non et le chat n'a rien à n'y redire*

"Merci Mely, mais ma malédiction affecte trop de monde à mon goût. A part vous deux, je me sens si seul"

Manoir, plongea sa patte dans l'eau pour attraper un poisson. Ce dernier lui semblait petit et proche mais le chat sous-estimait les pouvoirs de ce fleuve. En réalité, le poisson en question mesurait presque qu'un mètre de long et il se jeta sur le fauve en panique. Il couru se cacher contre moi et feulant. Mélaïna ne put s'empêcher de se moquer. Quant  moi, je dis simplement :

"Tu es content que je sois là quand même non ?"

*Hum peut-être...*

Je souris en lui caressant la tête et nous restâmes ensemble à profiter du calme...

Le calme fut de courte durée. Alors que nous étions seuls jusqu'à présent, l'odeur d'un homme éveilla Mélaïna qui se dressa sur ses pattes en grognant. Je me redressais alors vivement et sortis mon petit couteau de chasse qui me servait davantage à couper du gibier qu'à me battre. J'usais surtout de mon don mais pour un premier face à face, je préférais garder secret ce don. Mais ma louve se calma vite en voyant de qui il s'agissait.

Leefaen !?

La voix me sembla très familière. Je ne reconnu pas de suite de qui il s'agissait en vrai. D'une ça devait faire plusieurs années que je ne l'avais pas vu et de deux, il était si amoché, que nul n'aurait pu de suite le reconnaître. Nous nous fixâmes quelques seconde, comme si lui non lus n'était pas sûr de savoir si j'étais bien le Leefaen qu'il connaissait mais à voir mes totems, ses doutes n'en serait que très rapidement dissipés. Manoir s'était mis à feuler dans la direction du bonhomme.

-je suis content de te voir mais qu'est-tu venu faire à nürnen ? ...non oublie ça c'est certainement confidentiel. Comment vas-tu plutôt ? tu as l'air de bien te porter

*Ne reste pas là, il est mauvais pour toi !*

Je regardais mon chat avec surprise. D'où cet homme que je reconnu enfin comme étant Rosiel, pouvait être mauvais pour moi. Cet homme dont ma mère me vantais sans cesse les qualité, qui m'avait sauver la vie à ma naissance et élever comme un fils ne pouvait que me vouloir du bien. Je rembarrais le félins sans agressivité mais choisis de rester sur mes gardes. Après tout, il devait être au courant de mon bannissement et de ma récente alliance avec le prince Fûma...

"Tais-toi Manoir, laisses-moi gérer ça seul !"

*Bah répond-lui alors qu'il dégage vite...*

En grognant, Manoir se lança vers un arbre pour aller surveiller la scène de plus haut. Il n'avait jamais beaucoup apprécier le nécromancien qui cherchait à contenir son côté malfaisant. Pour le chat qui n'attendait que ça de moi, que je sois mauvais, Rosiel était une personne à éviter car potentiellement capable de me maintenir du bon côté. J’ignorais le départ du matou grognon et me décidai à répondre à mon ancien tuteur, couvert de sang :

Tu es dans un sale état Rosiel. Tu t'es enfin décidé à sortir de tes livres pour affronter le monde ?...

Et oui, contre lui aussi j'avais de la rancœur. Avoir su qu'il avait tenté de me soigner, qu'il avait fait des expériences avec moi et qu'au final, ça n'avait rien donné... C'était nul comme rancune mais bon, je devais trouver quelque chose pour expliquer ma mauvaise humeur...encore une fois. Le voir mal au point ne me rendais pas totalement insensible mais cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas vu...

-tu dis ça comme si ça ne faisait pas déjà des années que j'empêche les deux princes de se taper dessus pour éviter qu'il devienne un tas de cendres...mais je suppose qu'on évite soigneusement de te donner ce genre de détails depuis que tu as intégré l'armée de fûma, considère que je n'ai rien dit. j'ai été pris dans une explosion pendant que nous aidions à évacuer des civils d'un immeuble en flammes. les blessés ont étés ramenés mais j'ai préféré laisser mon cheval et la charrue de provision pour ramener les blessés plus graves. j'ai donc du revenir à pieds. Je reconnais que ce n'est pas évident.


"C'est ta vie, je m'en fiche"

Oui j'étais mesquin. Je ne sais pas vraiment pourquoi j'avais un tel comportement. Mais je l'avais en tout cas. Je l'observais se soigner du mieux qu'il le pouvait. Il faisait peur à voir et sa façon de recoudre sa plaie était lamentable. En entraînement, Zarathos m'avait appris à recoudre mes plaies avec soin et rapidité de façon à reprendre très vite le combat. J'eus envie de lui montrer mon savoir faire, comme si je voulais qu'il soit fière de moi mais je n'osais pas.

-sers-toi si tu veux manger quelque chose, je n'ai pas énormément de provisions mais valhaine n'est plus très loin, seulement interdiction de me pousser dans l'eau cette fois...vu mon état je t'en voudrais un peu


J'eus en effet un flash de cette journée. C'était flou mais existant dans mes souvenirs. Pourquoi ne suis-je pas ce garçon innocent et inoffensif que j'étais avant. Ma gorge se serra. Il fallait que je dise ou fasse quelque chose. Je me précipitais vers lui, comme poussé par un élan incontrôlé et lui attrapa l'épaule pour le faire reculer du bord de l'eau. Je lui fit faire demi tour. Là également, ma force avait considérablement évolué grâce à mon entrainement. Lui faisant face, je regardais sans croiser son regard, sa plaie à la tête et grognait :

"C'est comme ça que tu recouds une plaie toi ? Donnes donc ton aiguille et tâches de ne pas bouger".

Je pris l'aiguille de ses mains assez vivement pour être sûr qu'il la lâche mais avec assez de douceur pour ne pas lui arracher la peau du visage. Je repris son ouvrage avec délicatesse et efficacité. En moins de deux, la plaie fut recousu de façon irréprochable. Je coupais le fil avec mon couteau de chasse et fixai un moment le nécromancien :

"Je n'aurais jamais penser faire un jour quelque chose de mieux que toi"

Je baissais les yeux et retournais à ma place. En passant, je pris un morceau de pain dans le sac et croquais dedans avec plaisir. Cela faisait un moment que je n'avais pas mangé de pain si bon. Puis comme sa vie m'intéressait soudainement, je demandais :

"Sinon, il se passe quoi en ce moment dans le coin ? Je suis censé faire un... Enfin oublis je n'ai rien à te dire sur mes missions ni pour qui je travaille. Dis-moi juste s'il n'y a rien d'anormal du côté de la frontière de Kanoë".

J'ignorais si la nouvelle que je m'étais ralliée à Fûma s'étaient répandu jusqu'à Nunrën mais quitte à choisir, je préférais ne pas en parler avec lui. Je me disais qu'il ne comprendrais pas pourquoi j'avais gagné les forces ennemis.

Ok je m'étais fait avoir. J'avais encore beaucoup à apprendre. Je l'écoutais blablater en faisant mine de m'en foutre mais en réalité j'écoutais attentivement ses conseils qui me seraient utiles par la suite. Je pense qu'il le compris et que c'est pour cela qu'il ne s'était pas interrompu devant mon air ignorant. Je ne pus même pas en placer une quand je l'aurais voulu.

-je sais que tu penserais d'abord à me menacer ou m'attaquer, c'est la solution la plus simple et parfois elle fonctionne, seulement pour l'instant tu te trouve dans une salle de réception remplie de gardes et de témoins et je suis le seul à être posté assez près pour pouvoir t'entendre sans que tu quitte ton poste et te fasse remarquer: impossible de l'attaquer sans que les autres gardes te tuent et aucune issue non gardée donc impossible de filer si on te reconnais, tu dois donc apprendre ce que tu veux savoir sans ruiner ta couverture. Alors, comment tu t'y prend ?

Je le fixais sans comprendre. Je devais lui expliquer comment je devais interroger quelqu'un sans dévoiler ma couverture ? Genre, il me testait là. J'étais surpris car je ne m'attendais pas à ça pour notre "retrouvailles".

Je... Je n'en sais rien. On m'a appris à me battre, à utiliser mon don et à me faire discret. Je ne suis qu'un banal espion sans grande responsabilité mais mon rôle s'arrete à l'observation...

J'étais dégouté qu'on ne m'ai même pas enseigner à poser des questions sans me faire griller. Quelle honte. Je repris un air fier pour cacher mon embarras.

Tout ton truc c'est du charabia pour moi. Dis-moi toi comment je dois m'y prendre si t'es si bien informé.

Je baissais d'un ton.

Apprend-moi si tu as encore l’étoffe du professeur qui m'a tant appris...

C'était ma manière à moi de lui dire merci pour son enseignement. Je me rendis compte que lui, je ne le détestais pas du tout au fond. Il avait été un père pour moi, je ne devais pas l'oublier.