La forêt, ce temple millénaire, berceau de mon peuple et foyer éternel. Cela avait beau faire longtemps que l'épaisseur des bras de la nature ne m'apportait plus l'inspiration tant recherchée, j'aimais toujours y revenir régulièrement pour y retrouver mes racines et me ressourcer. Parfois j'avais envie de disparaître dans la verdure, de me presser contre un arbre et de me fondre dans le paysage avec ma tunique sylvestre tout en lin qui me couvrait du col aux chevilles. J'arborais habituellement des tenues plus légères et extravagantes pour me produire sur les places publiques, mais la randonnée en milieu sauvage ne me le permettait pas tant. J'avais malgré tout ôté mes bottes pour jouir du tapis délicat et du doux bruissement des feuilles sous mes pieds nus. J'avais également emporté mon frestel bien sûr, au cas où, ainsi qu'une mandoline qui me barrait le dos.

J'avançais lentement, dansant presque entre les rais de lumières épars qui étaient parvenus à se frayer un chemin dans le couvert des arbres. J'écoutais les chants des oiseaux qui s'esbaudissaient sans trêve dans les percées du soleil pâle. Vint un écureuil qui se faufila entre mes jambes avant d'y grimper jusqu'à l'épaule pour s'élancer vers une branche basse non loin. J'appréciais la sensation que me procurait chacun de mes pas et je débouchai finalement, au détour d'un rosier sauvage, sous un immense chêne dont les autres arbres semblaient s'être écarté avec respect. Il baignait dans une lumière féerique et offrait un coin d'ombre que venait garnir une imposante racine qui permettait en outre de s'y asseoir confortablement. Enchantée par cette vision poétique, je ne résistai pas à l'envie de m'installer et d'entamer avec ma mandoline un des plus anciens air elfique que je connaissais, rejointe par le gazouillis qui résonnait partout aux alentours.