Voici que nous y étions. La bataille qui déciderait de l'avenir de Fantastiqua, cet instant où chaque individu ici présent courrait à la rencontre de la Destinée. Autour de moi se tenaient vaillamment les guerriers qui s'étaient rassemblés ce jour pour protéger ce qui leur était cher au péril de leur vie. Pour avoir passer un brin de temps à discuter avec certain, je savais qu'untel voulait offrir un monde sûr à ses enfants, qui l'attendaient chez lui à Dolvin, la cadette tétant encore le lait maternel d'une épouse blonde comme un champ de blé au soleil. Un autre voulait impressionner son père qui s'était illustré par les armes. Un autre encore refusait de lâcher la semelle de son jeune frère et assurait qu'il le défendrait coûte que coûte contre les démons. Tous ces gens, tous ces braves, là immobiles en attendant de se battre pour survivre, ni plus ni moins. Ils regardaient la mort en face, sous ses traits hideux d'une armée démoniaque invraisemblable qui se déversait à n'en plus finir. Je sentais mon sang battre mes veines avec fureur, mon rythme cardiaque s’accélérer, mes mains trembler compulsivement... Je fis un dernier tour de révision pour me changer les idées et surtout m'assurer que tout était bien en place et que mes préparatifs fonctionneraient.

En me joignant à cette guerre, j'avais demandé à joué un rôle bien particulier au près de Lord Rosiel en personne et il avait accédé à ma requête. J'étais donc responsable d'une troupe entière que tout le monde avait unanimement décidé d'appeler "les bombardiers". Avec à ma disposition cinq engins de sièges, j'avais pour mission d'affaiblir au maximum le gros des rangs ennemis dès le début du combat qui allait faire rage. Aux extrémités, les catapultes extérieures seraient chargées par des barils de poix auto-embrasante qui prendrait feu au contact de l'air, c'est à dire en se pulvérisant sur les flancs de la formation adverse. Le brasier devait obliger nombre d'entre-eux à se masser vers le centre où ils seraient les cibles des trois autres catapultes qui étaient munies d'autres munitions. Les deux qui encadraient la catapulte centrales bombarderaient des fûts dotés d'une mèche hors-normes qui, une fois consumée, déclencherait une explosion sans précédent dont le souffle expulserait les miraculeux survivants soit dans les flammes soit dans le rayon couvert par l'engin de siège central. Quant à celui-ci, il était tout aussi détonnant mais les fûts étaient plutôt remplis de ferraille acérée et de billes de plomb. Leur principe reposait sur la fragmentation, c'est à dire que l'explosion du contenant projetterait en tous sens et à une vitesse fulgurante des bouts de métal qui feraient d'important dégâts sur un large périmètre en étant propulsés avec une force telle que même le plus insignifiant débris vous aurait arraché une jambe sur le coup.

Tout semblait paré au mieux en tout cas et une fois l'assaut lancé je donnai le signal pour la première salve, de tonitruants VLOOOUUUF accompagnant le battement des tambours de Lindórie qui commencèrent plutôt sobrement pour aller crescendo et rapidement devenir un tapage infernal qui laissait assez entendre que Fantastiqua comptait se défendre avec hargne contre ces envahisseurs. Mon coeur battait au rythme imposé par mon ancien capitaine et le sol lui-même tremblait sous les vibrations vigoureuses du monstrueux instrument dont j'étais le concepteur. Tout ce que j'avais pu mettre ne place semblait pour l'heure fonctionner à merveille. La seule ombre au tableau fut cet orage inopiné qui réduirait l'efficacité de mes barils incendiaires, mais rien de trop fâcheux. Quand les deux armées se seront pleinement embrassées et que nous n'aurions plus de réserves à projeter avec nos catapultes, je me lancerais aussi dans la mêlée et écraserait quelques crânes en espérant qu'avec le peuple unis des trois gouverneurs, nous parviendrions à sauver le monde que nous connaissions.