Le prince avait le matin même reçu une lettre contenant un message de détresse venant d’un enfant. C’est un faucon entré par la fenêtre de sa chambre qui déposa le précieux message sur le bureau. L’animal semblait épuisé, il était gravement blessé. Kanoë l’examina rapidement : son aile était cassée et il était profondément déshydraté. Il le confia aux soins d’une servante qui le conduit chez le maître des oiseaux, la personne la plus apte à s’occuper de lui dans le château. L’ange aux ailes ténébreuses s’empressa alors de lire le contenu du message qui avait donné force au faucon pour arriver à destination. Il y découvrir les mots d’un jeune garçon nommé Farwell.

« Mon prince, si tu reçois ce message, c’est que Malak est arrivé à destination,
J’ai été enlevé par d’horribles créatures. Elles m’ont emmené dans un endroit reculé au sud-est de la vallée de Naime. Viens à mon secours je t’en supplie…. »

Kanoë regarda rapidement sur une carte la zone dans laquelle le jeune Farwell devrait se trouver. Il se mit aussitôt en route sans prendre la peine d‘avertir ses hommes de son départ ni même de sa destination. Il préféra emprunter la voie des airs qui lui semblait la plus silencieuse et la plus rapide. Après quelques heures de vol, il aperçut au loin un campement, il atterrit et poursuivit à pieds. Une fois dans le village, une terrible sensation le parcouru…Il ne ressentait la présence d’aucune personne vivante. L’aura du jeune Farwell n’était pas présente dans l’air mais, le pire, c’est qu’elle ne semblait jamais avoir été là. Alors que le prince s’apprêtait à rebrousser chemin pensant à une supercherie, il tomba dans un guet-apens.

Une puissante créature à l’esprit sombre apparut du sol. Une aura noire flottait autour d’elle.

« Kanoë tu es à présent à ma merci. Nous tenons notre revanche. »

Nullement impressionné, le visage ainsi que la voix dénués de sentiment, le jeune prince répondit.

« Qui êtes-vous ? »

« Je suis Altareth, fils de démon. Ton père a éliminé le mien et bien d’autres de ceux de ma race autrefois. Tu en subiras les conséquences… »

Suite à ces paroles, le démon lança sur Kanoë plusieurs petites créatures rondes et noires nimbées de feu noir. Le prince tenta d’abord de les éviter en prenant la voie des airs mais lorsqu’elles entrèrent en contact avec lui, elles commencèrent à le ronger…

***

Kanoë finit par vaincre le démon en retournant son attaque contre lui. Les créatures rongèrent Altareth et disparurent avec lui dans l‘oubli. Le prince se laissa tomber au sol. Il avait subi de nombreuses blessures graves à cause du feu noir. Il était gravement blessé à l’aile. Ses forces l’abandonnaient rapidement. Il entreprit le voyage de retour en volant malgré tout, luttant contre la douleur. Les effets du feu noir sur son organisme étaient visible par des taches sombres sur sa peau se propageant petit à petit.

C’est à la tombée de la nuit que Kanoë arriva au château. Il s’écrasa dans la cour à bout de force. Son capitaine et frère de cœur Tarod accourut alors cherchant à avoir des explications quant à son état. Il le mena lui-même à toute hâte au médiocrate du château, Thierry. Il était le seul a pouvoir vaincre ce mal qui meurtrissait leur prince…

Le prince fut installé sur la table d’opération à toute hâte et le médicomage commença de l’ausculter. Il posa rapidement son diagnostic et débuta sans attendre l’opération. Thierry, c’était ainsi qu’il se nommait, était très anxieux. Non seulement c’était la première opération d’une telle gravité qu’il s’apprêtait à effectuer mais, celui qu’il allait opérer était le prince de ces terres, l’homme à qui il avait prêté allégeance. Il n’avait aucunement droit à l’erreur sinon les conséquences en seraient dramatiques pour tout Fantastiqua. Avant de sombrer dans un profond état de veille suite à l’anesthésie mentale, Kanoë adressa à Thierry un regard plein d’encouragement et de confiance. Ses yeux disaient qu’il avait entièrement confiance en ses capacités même si aucun son ne sortait de sa bouche à cet instant…

Thierry s’affairait à la tache car il devait faire vite. A l’aide d’instruments magiques, il parvint à drainer le sang du prince et à le débarrasser de ce mal noir qui le rongeait. Il referma ensuite toutes les plaies. Venait à présent la partie la plus délicate de l’opération : la chirurgie sur l’aile brisée du prince. Les ailes étaient un élément très important dans la constitution des anges ; elles étaient étroitement liées à leur cœur. Les blessures aux ailes saignaient abondamment. Si elles n’étaient pas prises en charge tôt, il était plus que probable que l’être décède. Kanoë et son frère Fûma étaient bien au courant de tout cela. Leur père, dieu de ce monde, ainsi que leurs différents précepteurs les mirent en garde. Tout au long de leur enfance, les jumeaux, malgré leurs jeux parfois dangereux, protégeaient leurs ailes. Même à l’heure actuelle, s’ils venaient à s’affronter, ils n’utiliseraient jamais un tel coup bas car ils savaient que cela pouvait signifier la mort de l’un d’entre eux…

Lorsque le médicomage planta son scalpel, le visage du prince se crispa de douleur, son cœur accéléra son battement, il suait à grosses gouttes et laissait entendre de faibles gémissements de douleur. Il souffrait énormément, aucune anesthésie ne pourrait empêcher cela. Seule la réserve de Kanoë à exprimer ouvertement ses sentiments l’empêchait d’hurler mais la souffrance était là. Sans qu’il n’y puisse vraiment quelque chose, sa deuxième aile se mit à battre en suivant le rythme de son cœur. Ceci donnerait quelques indications à Thierry sur la réussite ou l’échec de l’opération. Malgré ses blessures fraichement refermées, le prince rapprocha ses jambes de son buste en se plaçant légèrement sur le côté, une main poing serré contre son torse et l’autre à plat sur la table d’opération. Ainsi positionné, Kanoë offrait une plus grande possibilité de mouvement au médicomage. Le prince sombra ensuite dans un coma profond, ses crispations de douleur et ses gémissements étaient cependant toujours présents, de même que les battements de son aile valide, accélérant en suivant son cœur.

Kanoë était sauvé. Le médicomage Thierry avait fait tout son possible et il y était parvenu. Epuisé, le prince ne revint pas à lui. Cependant, ses gémissements et crispations disparurent ce qui montrait qu’il ne souffrait plus autant qu’avant. Son aile valide reprit des battement réguliers pendant une minute puis cessa de battre, redevenant ainsi sous le contrôle de l’ange. Les muscles du prince se décontractèrent. L’épuisement dû à la douleur et à l’opération se faisait sentir. Il lui faudrait sans doute quelques heures de repos avant de pouvoir reprendre conscience et quelques jours pour se rétablir complètement.

Dans son état d’inconscience, Kanoë ne rêva pas. L’épuisement devait aussi être psychique. Quoiqu’il en soit, au bout d’une heure, il montra des premiers signes de réveil. Il ouvrit les yeux lentement et aperçu le médicomage à son chevet. Il parla alors. Sa voix était encore très faible.

« Thierry…Que…Que s‘est-il passé ? Je…J’étais blessé…Je…Tu m’as sauvé ? »

Il se tut un instant et regarda par la fenêtre. Il faisait nuit noire dehors. La lune était très haute dans les cieux. Dans quelques heures le soleil pointerait ses rayons…

« Ai-je dormi longtemps ? »

« Merci Thierry… »

Encore faible, le prince ferma les yeux. Il sentit alors le médicomage passer sa main au dessus de son corps. La chaleur libérée par cette action était très agréable. Elle apaisait les douleurs des suites opératoires. Après l’examen, le prince rouvrit les yeux et tenta de se rassoir. Il ressentit alors une vive douleur à l’aile ce qui l’obligea à se rallonger.

« …Je ne vais pouvoir me lever tout de suite…Il faut pourtant que je rassure tout le monde… »

Kanoë se concentra un peu puis se rendit compte qu’il ne parvenait à communiquer mentalement avec ses hommes. C’était du au contrecoup de l’anesthésie mentale réaliser pour l’opération. Il s’empressa alors de demander à Thierry quand les effets se dissiperont. Il lui annonça qu’il lui faudrait attendre encore deux heures.

« Je ne peux les laisser dans l’attente plus longtemps. Pouvez vous avertir Tarod de mon état. Je lui fais confiance pour en informer les autres… »

Sans même entendre la réponse de Thierry, le prince ailé replongea dans un sommeil profond.

Kanoë rêva de choses étranges pendant qu’il était profondément endormi. C’était comme s’il devait lutter contre les ténèbres. Lorsqu’il s’éveilla enfin, il était trempé de sueur ; ses draps étaient également humides. Il se redressa et s’assit au bord du lit. De toutes les blessures, c’était celle à son aile qui le faisait le plus souffrir. Mais, le prince était parfaitement conscient qu’il lui faudrait au moins une semaine de repos avant de ne plus ressentir la moindre douleur et pouvoir recommencer à mobiliser l’aile blessée…

L’ange balaya la pièce du regard et n’y aperçu pas le médicomage. Il tenta de le localiser mentalement mais il fut prit d’un violent maux de tête. Il devrait attendre davantage. Il regarda à la fenêtre ; la nuit était tombée et cela devait être depuis au moins deux bonnes heures. Il se leva alors et marcha vers la porte. Il glissa la tête hors de la pièce et se lança dans le couloir en s’appuyant contre les murs encore faible…

Chaque pas était pénible car chacun d’eux lui causait une douleur lancinante et cinglante au niveau de son aile. Arrivé au bout du couloir, Kanoë eut quelques vertiges. Il pensa plus prudent de s’assoir au sol le temps qu‘ils cessent. Il constata alors que l’une de ses blessure à la jambe s’était rouverte et ressaignait légèrement. « C’est pas vrai… » pensa le prince.