Fel m'expliqua tout et ne m'épargna aucun détail. C'était tout bonnement incompréhensible. La serrant dans mes bras, je la sentis partir en sanglots, et tentai comme je pouvais de la consoler. Je sentai toute la pression accumulée ces deux dernières années s'échapper petit à petit. Je ne disai rien, j'avais peur d'empirer les choses. Je me contentai d'être là, et de faire passer tout mon amour pour elle dans une simple étreinte.
-Tu comprends pourquoi je t'ai dit tout ça hier ? Je n'ai rien exagéré, je te le promet. Rosiel pourra te le confirmer, conclut-elle.
Oui, je commençai à vraiment comprendre l'étendue des dégâts. Je souris à Fel d'une manière rassurant et l'embrassai tendrement.
- Regarde nous, lui dis-je doucement, nous sommes ensemble. Nos sommes ensemble au sein du château de Kanoë, là où sont réunis les meilleurs soldats et guérisseurs de tout Fantastiqua. S'il arrivait de nouveau quoi que ce soit, Leef serait pris en charge. Et d'ailleurs, je suis persuadé que Kanoë acceptera de tenter quelque chose pour notre fils. Tu l'as dit toi même, Leef n'est pas méchant par nature. Ce mal qui le ronge n'est que temporaire, nous pouvons donc lui apprendre à le combattre.
J'étais très optimiste pour le coup, mais penser d'une manière différente nous condamnait à une double dépression. Sur le ton de l'humour, je rajoutai pour la faire sourire :
- Et puis, maintenant, on pourra vraiment dire que l'on se ressemble.
Sur ces paroles, je soulevai à mon tour ma chemise sous laquelle s'étirait également une longue cicatrice me barrant le torse du coeur à la hanche. Mais voyant que cela n'avait que peu d'effet, je pris simplement son visage dans mes mains et lui murmurai :
- Je suis là à présent. Je suis là, avec toi, pour t'aider. C'est tout ce qui doit compter. Tu n'es plus seule.
Je la pris de nouveau dans mes bras, et nous restames un moment immobile avant que...
- C'est pas vrai ! J'ai pas fait exprès !
- Menteur ! J't'ai vu !
Les cris des enfants me firent me retourner, puis revenir vers le terrain de fortune où jouait Leefaen. Fel me suivit de près, et nous découvrimes en même temps notre fils, face à un autre gamin deux fois plus haut que lui, en train de se chamailler au dessus d'un troisième enfant à terre, qui pleurait en se tenant la jambe.
- On avait dit pas de coup dans les jambes ! T'es qu'un tricheur !
- Mais j'ai pas fait exprès !
Leef était au bord des larmes, et je sentai également beaucoup de colère monter en lui. Personne ne réagissait, je décidai d'intervenir. M'avançant sur le terrain, je demandai d'une voix neutre :
- Qu'est ce qu'il se passe les enfants ?
- C'est Leefaen, Monsieur ! Il a fait mal à Hektor ! me dit le premier gamin en désignant son copain blessé.
C'est vraiment ce que j'adorai chez les enfants. Pas de convenance, pas de différences. Ce gamin ignorait qui j'étais, Capitaine et père de Leef, et c'était bien mieux ainsi.
- C'est pas vrai ! J'ai pas fait exprès ! se défendit mon fils avec véhémence.
Ils étaient prêts à en venir aux poings. Restant parfaitement calme, je continuai :
- Leefaen, je te crois, ce sont des choses qui arrivent. tu t'es excusé auprès d'Hektor ?
Mon garçon n'eut pas le temps de répondre que déjà l'autre gamin m'assurait que non d'un ton qui me déplut assez. Le fusillant du regard, je lui fis comprendre sans un mot que cette question ne s'adressait pas à lui. Penaud, le gamin se calma enfin. Les yeux rivés sur ses pieds, Leef marmonna qu'effectivement, il ne s'était pas excusé.
Je n'eus pas besoin de faire plus. Je vis mon enfant tendre la main à Hektor et s'excuser de son geste. Comme par magie, Hektor cessa de pleurer et se releva pour rejoindre son équipe.
- Bon y a combien combien ? demanda un autre garçon, invitant les autres à reprendre la partie.
- C'est nous qu'on gagne ! Allez, joue !
Incident clos. La magie des enfants... Regardant Fel qui n'avait pas bougé et m'avait laissé faire, je lui souris avec assurance.
- Leef est un enfant comme les autres Fel... il est juste un poil plus... sauvage.
Me calant contre son dos, j'enlaçai sa taille de mes mains et observai notre fils jouer avec les autres. Un sourire aux lèvres, je remarquai qu'il était même plutôt bon.