Marchandise illégale [Quête] (PV Érelyss)

Après un voyage rapide qui s'était déroulé sans que je me préoccupe de la demoiselle qui m'accompagnait, nous arrivâmes à Calembel qui éveilla tout de suite en moi un sentiment mitigé. Je m'extasiai déjà sur l'architecture locale : des maisons à l'aplomb douteux semblaient se pousser les unes les autres et la disposition de leurs fenêtres semblait parfois leur donner une expression vivante. Chaque façade unie était zébrée de colombages qui dessinaient des motifs asymétriques sous des toits pointus qui descendaient sur deux étages. Les différences de hauteurs de bâtiments juxtaposés donnaient à l'ensemble un relief déséquilibré que parachevaient les rues pavées pas toujours bien tracées sur un sol qui n'avait clairement pas été aplani. J'étais émerveillé de constater que ceux qui avaient bâti la ville ne s'étaient sans doute souciés d'aucune anticipation esthétique quant au résultat final et que cela lui donnait un charme tout à fait singulier.

Par contre, j'étais très incommodé par l'immonde odeur de poisson et de crustacé qui emplissait chaque coin de rue et vous poursuivait jusque dans les endroits les plus éloignés du port. Je m'inquiétais d'ailleurs que celle-ci n'imprègne mes vêtements longtemps encore après qu'on ait quitté Calembel.

Quoi qu'il en fût, je profitai du prétexte de faire l'état des lieux pour promener mon compagnie dans toute la ville et en admirer chaque détail. Je ne manquai pas de noter cependant tous les éléments intéressants pour notre mission, notamment des tavernes louches dont les clients nous toisaient d'un oeil mauvais si nous avions trop l'air de chercher à savoir ce qui pouvait bien s'y dérouler. Notre homme se trouvait possiblement dans l'une d'entre elles.

Mais bien sûr l'endroit le plus important était le port, et je m'attardai sur les quais pour imprimer ma mémoire du lieu dans les moindres détails. Une jetée centrale était hérissée de multiples quais qui ne lui étaient pas perpendiculaire. Leur agencement en biais permettait d'éviter aux vaisseaux d'inutiles manoeuvres et de gagner du temps. L'organisation du lieu contrastait totalement avec la ville tant tout était construit pour l'optimisation des allers et venues navals. Plusieurs navires mouillaient de part et d'autre de la jetée, impossible de prédire lequel embarquerait la marchandise.

Quand j'estimai avoir assez vu, je m'enquis enfin de l'avis de la demoiselle à mes côtés :

- Je propose qu'on s'installe à l'auberge juste là en face des quais. Ensuite on s'intéressera aux navires qui doivent lever l'ancre cette nuit. Pas trop de questions pour ne pas éveiller les soupçons. Il faudra avoir l'oeil pour identifier la cible. Cela te convient-il ?

La route fut courte et Érelyss était restée silencieuse tout le long du trajet. Elle préférait contempler ce qu'il y avait autour d'elle comme une enfant qui découvre pour la première fois le monde. Avec un enthousiasme et une curiosité non dissimulé. Un sourire naquis sur ses lèvres. La jeune femme trouvait l'endroit fort sympathique.

Alors, voici donc Calembel, pensa la guerrière.

Une odeur atroce imprégna ses narines. Un air de poisson flottait dans le coin et cela ne l'enchantait guère. Elle détestait ça. Érelyss leurs trouvaient une senteur particulièrement désagréable aux poissons. Ce relent fétide était répandu dans toute la ville. Ne supportant pas cette infecte puanteur, elle espérait sincèrement terminer le plus vite possible cette mission et prendre un bain bien mérité. À l'inverse de son camarade, elle n'accordait que peu d'intention aux bâtiments qui siégeaient la ville, la jeune femme trouvait le territoire plutôt simple et banal. Érelyss en avait vu pas mal des lieux comme celui là. Elle cherchait quelque chose qui le rendrait différent des autres terres où elle avait voyagé.

La guerrière se surprît alors à poser sa vision sur des auberges et tavernes louches qui semblait ne pas être des sites très fréquentables. Enfin, c'était plutôt les clients qui squattaient l'endroit qui leurs donnait cette image là, c'était pour la plupart des personnes qui n'avaient pas l'air très commode. Certains d'entre eux parlait de manière grossière et faisait des gestes obscènes, c'était le genre a embêté les demoiselles qui se baladaient seules. Ces ivrognes donnait un aspect pathétique du coin, ils semblaient mauvais, irresponsables et complètement immatures. Et il y en avait d'autres qui jetaient des regards noirs aux passants qui étaient trop curieux, d'ailleurs l'un d'entre eux la toisa avec animosité, ce qui lui fit levée les yeux au ciel. Franchement, dans cet endroit, il y en avait pas un pour rattraper l'autre. Ce type de personnage la répugnait, si bien qu'elle hésitait à leurs donnés une correction, mais la jeune femme se contenta de les ignorer royalement.

Le gars qu'on cherche se trouve probablement dans ce genre de trous, songea Érelyss.

A la suite de son partenaire, qui s'amusait à la balader dans toute la ville, elle remarqua que celui-ci semblait apprécier observer les reliefs et les nuances de la structure des bâtiments. On aurait dit que rien n'échappait à son regard aiguisé. Son compagnon s'arrêta un instant sur les quais. Érelyss constata qu'il y avait de nombreux navires. À vraie dire ça ne l'étonnait pas, mais elle se doutait que ça ne leur faciliterait pas la tâche. La guerrière promena son champ de vision sur le port enregistrant chaque élément qu'elle avait repéré.
Son compagnon d'arme lui adressa enfin la parole :

- Je propose qu'on s'installe à l'auberge juste là en face des quais. Ensuite on s'intéressera aux navires qui doivent lever l'ancre cette nuit. Pas trop de questions pour ne pas éveiller les soupçons. Il faudra avoir l'oeil pour identifier la cible. Cela te convient-il ?

L'idée aurait pu être proposée par Érelyss. Cet homme réfléchissait comme elle.. Ou bien lisait-il ses pensées ?

- Ça me convient, répondit-elle simplement même si elle avait l'impression qu'il lui donnait les consignes à suivre.

La jeune guerrière n'avait jamais fait équipe avec qui que ce soit et était bien trop solitaire, mais il allait falloir qu'elle fasse un effort pour que la mission soit un succès.

"Ça me convient" avait-elle dit et je me félicitai d'avoir trouvé un partenaire si arrangeant, quoique c'était plutôt elle qui m'était tombée dessus. Dans tous les cas, il faudrait bien qu'on soit autant en accord que possible pour éviter le fiasco lors de la capture et cela impliquerait peut-être que je devrais moi-même faire des concessions pour qu'elle puisse travailler à sa manière.

Un dernier coup d'oeil vers les quais et je me dirigeai d'un pas flâneur vers l'auberge. J'en profitai pour donner mes directives à Duvaile aussi discrètement que possible.

- Fais le tour de la ville, tu sais où t'attarder, n'est-ce pas ? Reviens avant le crépuscule et surtout fais attention à toi, tu risques de ne pas passer inaperçu en plein jour.

Comme il s'envolait vers la pénombre qu'offraient certains coins, je le regardai s'éloigner avec un pointe d'inquiétude. C'était le seul compagnon qui était jamais resté à mes côtés, et rien ne m'aurait davantage peiné que si quelque chose devait lui arriver.

Mais impossible de trop traîner la patte, j'étais déjà face à la porte abîmée de l'auberge que j'ouvris avec fracas et quelques yeux se tournèrent vers moi. La discrétion avant tout. J'ignorai superbement le fait que je venais d'enfoncer à moitié une porte ouverte et me plantai directement face à l'aubergiste, une vieille dame obèse aux cheveux gris sale qui avait l'air de fondre sur sa chaise tant son gras pendait près du sol. Mais sa condition physique ne semblait pas la déranger car elle ne cessa de picorer dans différents plats à sa portée tandis que nous discutions.

- Què'qui veut c'ti là ? grinça-t-elle.

Passant sur le personnage et son accent difficilement intelligible, je répondis aussi courtoisement que possible en désignant mon accompagnante :

- Bien le bonjour gente dame, nous aimerions vous louer la nuitée pour deux personnes.

- Dépendra d'vos bourses ça.

Je délaçai docilement les lanières de la mienne et lui présentai quelque somme qui supposait qu'elle devrait se contenter de me donner la clef et de fermer son clapet. Puis me vint soudainement l'idée que l'autre pourrait avoir faim et je m'enquis du menu :

- Et que peuvent nous proposer vos chefs pour contenter l'appétit de la demoiselle ?

Comme la grosse lorgna sur le cuir qui renfermait le peu d'argent qu'il me restait j'en ressortis une pièce et éludai le fait de ne pas manger moi-même en prétendant ne plus rien avoir pour payer.

- S'ra une tourte à l'fruit d'mééér pis d'la poêlée d'langoustines aux algues arômatiques. S'mangent avèc lés doigts, z'aurez pô d'couvert.

Évidemment, avec le fumet nauséabond qui s'échappait de la pièce voisine, il ne fallait pas s'attendre à de la gastronomie continentale. Heureusement, c'était le problème de la jeune femme et je me tournai vers elle d'un air interrogateur pour lui soutirer son avis concernant le met qu'on lui proposait.

La brune suivait son partenaire tranquillement. Elle s'étonna alors de remarquer la présence d'une chauve-souris, elle l'avait senti ses gestes lorsque celle-ci sortait de la cape de son coéquipier pour prendre son envol. Ainsi donc, il avait pour ami un chiroptères.

Intéressent, jugea Érelyss.

Devant la porte de l'auberge, qui était soit disant passant dans un sale état, son collègue ouvrit la porte avec toute la délicatesse du monde. Des pairs d'yeux se tournèrent vers eux. Enfin, ils dévisageaient surtout son acolyte, mais elle était irritée de la situation. Cela l'agaçait, la jeune guerrière détestait qu'on la dévisage ainsi, alors elle leurs jeta regard à leurs glacés le sang. Intimidés, les quelques curieux semblaient reprendre peu à peu leurs activités en silence.

Vive la discrétion, soupira la guerrière désintéressée de l'endroit.

Une bonne femme en surpoids aux cheveux grisâtre paraissait être l'aubergiste. La vieille mastiquait tous les aliments qui étaient à sa portée tout en marchandant avec son collègue. Érelyss devait bien l'admettre, elle était vivement ailleurs et écoutait d'une oreille distraite, les rares paroles qu'elle entendue vaguement semblait venir d'un vocabulaire très enrichissant que son hôte avait. La jeune femme se retenue de ne pas frapper mémé pour qu'elle parle plus correctement.

Si avec son air détachée elle paraissait indifférente quel que soit le moment, elle restait tout de même vigilante. La mission consistait à arrêter un trafiquant d'alcool qui devait bientôt faire embarquer la marchandise d'après les informations. Ces personnes agissaient dans l'ombre totale et dans l'illégalité, donc c'était un service qu'elle rendrait à la communauté. Ils avaient probablement employé les pires assassins qui soient, voir des mages. Elle s'empressa d'examiner les alentours juste pour vérifier qu'elle n'était pas entourée de gens malveillant qui chercherait à la tuer. Érelyss se sentît stupide de faire cela, il n'y avait aucun risque pour elle, personne ne pouvait l'avoir par surprise, mais elle craignait sincèrement voir un de ses vieux amis. Était-elle en train de devenir parano ?

La guerrière se reporta à la conversation si peu prenante soit-elle. Son compagnon d'arme se renseigna sur le menu que proposait l'auberge pour elle, ce qui la surprît. La jeune femme devait bien avouer qu'il fallait qu'elle soit au meilleur de sa forme pour être plus performante. Elle remarqua alors que pendant qu'elle divaguait dans ses pensées paranoïaque, son associé avait déposée sa bourse sur la table de leur hôte. Comptait-il réellement payer pour elle ? C'est hors de question !

Avant qu'elle n'est pu aligner un seul mot, la rombière répondit :
- S'ra une tourte à l'fruit d'mééér pis d'la poêlée d'langoustines aux algues arômatiques. S'mangent avèc lés doigts, z'aurez pô d'couvert.

Alalà tellement généreuse celle là, soupira-t-elle intérieurement. Ce plat.. Plutôt mourir que d'en prendre. Au moment même ou ses pensées lui traversaient l'esprit son camarade c'était retourné vers elle pour la consulter. La guerrière s'adressa directement à la vieille.

- Non merci, du pain et de l'eau me suffirons amplement, eut-elle l'audace de dédaigner puis elle négligea leur hôte pour dire à son camarade : T'inquiète, je vais payer ma part.

Elle avait parlé d'une voix posée, signe qu'elle ne voulait pas qu'il réponde, dans un même temps, elle faufila ses doigts dans sa bourse et en retira une belle poignée qu'elle écrasa sèchement sur la table. Érelyss ne voulait dépendre de qui que soit, peux importe la manière. S'il payait pour elle, elle aurait l'impression de lui devoir quelque chose. Ça lui priverait de sa liberté et elle n'aurait pas le mérite de s'être débrouillée seule. L'aubergiste paraissait être devenu muette, peut-être avait-elle été trop brusque ? Elle s'en moquait totalement. Quelque chose lui revint alors à l'esprit.

- Tu ne vas pas manger toi ? Demanda-t-elle à son partenaire en ignorant une nouvelle fois la mégère.

Ma partenaire affirma son caractère de la manière la plus claire qui soit. Ayant réclamé du pain et de l'eau à la place du plat proposé, ce que je ne pouvais qu'approuver, elle allégea sa bourse de quelques pièces comme si elle voulait incruster ces dernières dans le bois de la table avec l'air de quelqu'un qui n'ergoterait pas davantage sur le sujet de qui paierait. Cela avait au moins le mérite d'avoir réduit au silence la dame qui bavait maintenant davantage sur l'argent étalé devant elle que les assiettes quasiment vides qu'elle venait d'engouffrer. En revanche, et bien que je n'aurais su dire pourquoi, cette attitude me vexa quelque peu, d'une certaine manière, et je rétorquai :

- MON argent suffira pour du pain et de l'eau, sifflai-je en repoussant ma pile de pièces plus près de l'aubergiste. Et je préfère travailler léger, donc rien à consommer pour moi.

Il me fallut un temps de réflexion, mais j'estimai après-coup avoir été par trop abrupt et voulus me rattraper :

- En fait c'est une coutume de ma terre natale que d'offrir un repas à une personne estimée pour lui signifier notre respect. Je prie ma demoiselle de m'honorer de son assentiment, sans quoi j’offenserais mes ancêtres.

Seigneur, daigne pardonner la félonie de ma langue, songeai-je à peine le mensonge proféré. Mais j'avais au moins bon espoir de convaincre la fille d'économiser son argent car elle en aurait forcément toujours plus besoin que moi du mien. Et en plus... je scrutai la salle d'un coup d'oeil circulaire. Il restait quelques personnes nous observant avec une curiosité assumée, hors de question d'abandonner ma dignité d'homme en laissant une demoiselle débourser à ma place.

Alors je plongeai mon regard glacial au fond des grands yeux sombres débordants de volonté. Pareils attributs auraient pu faire défaillir l'âme de quiconque s'y mirant une seule seconde de trop mais je ne baissai pas les bras. Allait-elle céder ?

- MON argent suffira pour du pain et de l'eau, siffla mon camarade en repoussant sa pile de pièces plus près de l'aubergiste. Et je préfère travailler léger, donc rien à consommer pour moi.

Je n'ai pas besoin de ton argent, pas besoin qu'on décide pour moi et encore moins besoin de courtoisie.

Sa réaction ne lui plaisait pas. La guerrière avait plusieurs fois été confrontée aux types de soldats qui croyaient qu'elle avait besoin d'être protégée, surveillée, voire même dirigée, tout ça parce qu'ils débordent de bonnes intentions, mais trop souvent la jeune femme avait du leurs montrés qu'elle était dure, forte et qu'elle n'avait aucunement besoin de leurs aides. Sous prétexte que mesdames doivent être traitées ainsi, il commençait à empiéter un peu trop sur son libre arbitre. Énervée, elle serrait le poing. Elle inspira profondément, puis expira pour tenter de calmer sa colère.
Ne pas s'emporter et rester calme, se dit-elle. Silencieuse. Discrétion. Finesse.

Son compagnon tenta tout de même de se rattraper :
- En fait c'est une coutume de ma terre natale que d'offrir un repas à une personne estimée pour lui signifier notre respect. Je prie ma demoiselle de m'honorer de son assentiment, sans quoi j’offenserais mes ancêtres.

Une coutume ? Pensa Érelyss, dubitative. Elle respectait en général les cultures et les croyances d'autrui, tant qu'elle n'écrasait pas les siennes. Cette tradition en l'occurrence la piétinait. Là ce n'était pas lui que cela concernait, c'était elle. Et tout ce qui la regardait elle en prenait les décisions. Personne n'avait le droit de lui dicter sa conduite à elle. Elle le fixa un instant sans trop comment s'y prendre pour éviter d'envenimé les choses. Il ne fallait surtout pas qu'elle réagisse comme avec les autres, c'était son partenaire et puis pour la discrétion se serait foutue. Érelyss ne tressaillit pas un seul instant en sentant son regard froid sur elle. Ce regard-là lui rappelais son défunt mentor lorsqu'elle s'opposait à lui. Il avait été le seul à pouvoir lui donner des ordres sans qu'elle ne proteste. Bien que contrarier la jeune femme opta pour la voie de la sagesse, elle répondit avec le plus de douceur possible pour ne pas le froissé.

- Merci bien, je ne doute pas que tu aies assez pour payer un morceau de pain et de l'eau, mais en ce qui me concerne je peux très bien me débrouiller toute seule, elle insista sur les deux derniers mots. Tes ancêtres ne devraient pas être offensés puisqu'il s'agit là de ma volonté.

Quelle tête de mule ! me dis-je alors qu'elle insistait malgré ce que je lui avais dit. Cependant, l'impression d'avoir été vexé s'était muée en autre chose et je me mis à rire sans retenue quelque instant. Comme je retrouvais mon sérieux, je décidai de trancher :

- Il semblerait qu'on soit tous deux trop têtus pour se mettre d'accord. Que dirais-tu de couper la poire en deux ? Le zénith est à peine passé et il faudra bien se rassasier de nouveau ce soir, alors mettons l'orgueil de côté et payons chacun un repas, déclarai-je d'un ton aimable avant d'ajouter à l'adresse de la dame en surpoids : et que vous trouviez quelque chose à cuisiner qui goûtera la demoiselle, surtout.

Puis j'agitai la clef sous le nez de ladite demoiselle en reprenant :

- Passons par la chambre pour s'assurer que le confort vaut le prix.

Sans attendre de réponse, j'avisai l'escalier tordu au fond de la pièce qui menait à l'étage et m'y dirigeai d'un pas décidé alors que l'aubergiste couinait dans mon dos :

- Quatrième porte su' vot' droète.

Je ne pris même pas la peine de marmonner un quelconque remerciement. Je pénétrai dans la pièce qui nous avait été allouée en laissant la porte ouverte. Ça sentait la sueur et le rat crevé et j'eus un instant l'envie d'ouvrir la fenêtre avant de me rappeler le délicat parfum qui embaumait les rues et de me raviser. La fille n'aurait qu'à choisir laquelle des deux puanteurs l'incommoderait le moins. Je lorgnai sur la literie : un unique lit relativement spacieux surmonté d'un matelas, qui au touché s'avéra fait en paille, que recouvrait une couverture de lin mitée sur laquelle se trouvaient deux oreillers également rembourrés de paille. Je doutai que quiconque puisse passer une bonne nuit couché là-dedans. Je repérai également le secrétaire à disposition contre le mur opposé à la porte, accompagné d'un tabouret auquel il manquait un pied. Il n'y avait cependant aucun matériel pour l'écriture, c'eût probablement été trop demander. Je m'assis -en manquant de peu de m'étaler par terre- sur le tabouret en attendant que ma partenaire me rejoigne.

Le tout serait maintenant de s'occuper de façon constructive jusqu'à la nuit et j'avais déjà imaginé certaines possibilités. Mais avec la forte tête qui m'accompagnait, il faudrait se mettre d'accord sur les préparatifs et la manière d'agir une fois le moment venu ; et suite à notre dernier dialogue l'affaire ne me semblait pas entendue d'avance. Oubliant le pied cassé du tabouret, je me balançai en arrière sans avoir le temps de me rattraper à quoi que ce soit et cette fois j'étais étalé sur mon dos pour de bon.

Son camarade parti dans un fou rire et Érelyss crut qu'il se foutait d'elle. Néanmoins, il redevint sérieux si subitement qu'elle pensa alors que peut être il s'était cogné la tête. Elle devait quand même l'admettre se rire avait un peu atténué sa colère superficielle.

- Il semblerait qu'on soit tous deux trop têtus pour se mettre d'accord. Que dirais-tu de couper la poire en deux ? Le zénith est à peine passé et il faudra bien se rassasier de nouveau ce soir, alors mettons l'orgueil de côté et payons chacun un repas, déclara-t-il d'un ton aimable avant d'ajouter à l'adresse de la dame en surpoids : et que vous trouviez quelque chose à cuisiner qui goûtera la demoiselle, surtout.

Elle sourit discrètement. La mauvaise humeur était passée. Apparemment tout deux était trop obstinés pour arriver à une entente, mais elle ne trouvait pas. Sinon, il n'aurait pas réagi de la sorte en proposant une solution qui les conviendrait tous les deux. Son compagnon d'arme agita la clef qu'il tenait entre ses doigts.

- Passons par la chambre pour s'assurer que le confort vaut le prix.

Il s'en alla sans qu'elle n'aie le temps de donner de réponse. Après tout il se moquait probablement de son avis. L'aubergiste, quant à elle, lui cria que c'était la quatrième porte à droite toujours avec cet accent qu'Érelyss trouvait vraiment exagéré.
- Merci, répondit-elle à la place de son partenaire.

Après une brève hésitation, elle se décida de rejoindre son camarade. La fatigue commençait à l'emporter, elle n'avait pas dormi depuis environ deux jours, mais elle s'en fichait. La jeune femme prenait le temps de monter les escaliers sans se presser, lorsqu'elle entendit un fracas. Cela l'inquiéta, peut être était ce normal ? Peut être qu'il s'était fait attaquer par surprise ? Aucun homme qui avaient été engagés par ce malfrat n'aurait pus savoir ou se trouvait ceux qui étaient censé les arrêter, mais la jeune femme en connaissait d'autres, qui eux... Elle se précipita dans la chambre, paniqué. Son compagnon était étalé au sol.

Je me suis inquiétée pour rien, ne pus se retenir de soupirer Érelyss. Elle se dirigea vers son partenaire et lui pris le bras pour l'aider à se relever. Elle remarqua le tabouret sur le côté. Elle faillit se moquer, mais se retenue. Quel doué ! Pensa la jeune guerrière. L'odeur de pourriture l'interpella... Impossible de respirer dans un tel endroit. Érelyss se dirigea vers la fenêtre puis ne put se résoudre à décider. Un mélange de ses deux odeurs donneraient du poison ? Elle recula, puis jeta un regard aux alentours. Un lit ! La guerrière tomba lourdement sur le lit, peu confortable soit-il. Cela la rendit heureuse. En général elle ne dormait pas sur les lits, mais bon.. Autant qu'il sert à quelque chose.

- Ça faisait longtemps ! Déclara-t-elle plus pour elle-même.

Après un petit silence, la jeune femme toussota.

- Cet endroit sent vraiment mauvais, ne pu-t-elle s'empêcher de faire remarquer. Je vais mourir étouffé finalement ? C'est dommage, j'avais espérée une mort grandiose !

Elle se leva, puis s'agenouilla sur le lit qui semblait fait de paille. Elle regarda un instant son partenaire, peut être un peu agacé parce qu'elle s'apprêtait de dire, mais elle mit sa fierté de côté. Leurs discutions un peu plutôt avait été puéril et bien qu'elle tienne à sa liberté, ce n'était surement pas un repas qui n'avait pas été payer par elle qui allait l'en privé, mais elle s'était toujours débrouillée seule et qu'on la prenne sous son aile était plutôt... étrange.

- Je suis désolée, j'ai un sale caractère quand quelque chose ne me convient pas.. J'ai toujours été comme ça.

Ne souhaitant pas s'attarder sur le sujet elle ajouta d'une voix amusée :
- Ah au fait, la demoiselle a un prénom, elle se nomme Érelyss.

Un sourire s'empara de son visage d'ange. Qu'il était bizarre de parler de sois-même à la troisième personne !

Je fus très embarrassé quand ma partenaire déboula précipitamment pour me découvrir dans cette situation ridicule. Elle m'aida néanmoins à me relever et je la remerciai timidement alors qu'elle se laissait choir sans retenue sur ce qu'il fallait bien appelé un lit malgré tout.

- Ça faisait longtemps ! déclara-t-elle avant de toussoter et de poursuivre : Cet endroit sent mauvais. Je vais mourir étouffé finalement ? C'est dommage, j'avais espérée une mort grandiose !

Elle ne pouvait évidemment pas le savoir, mais cette phrase parvint à assombrir un instant mes pensées. Une mort grandiose... les mots résonnèrent dans ma tête en soulevant mille peines et questions d'un coup mais je me ressaisis aussi vite que possible. Pendant que je défaillais, elle s'était agenouillée sur le matelas et prononça des excuses qui, je le devinais aisément, avaient dû lui coûter quelque effort d'humilité :

- Je suis désolée, j'ai un sale caractère quand quelque chose ne me convient pas.. J'ai toujours été comme ça.

Et elle enchaîna presque en riant :

- Ah au fait, la demoiselle a un prénom, elle se nomme Érelyss.

Le sourire qu'elle arborait effaça subitement la demoiselle qui m'avait tenu tête en bas pour laisser place à une Érelyss angélique à laquelle on aurait tout pardonné sans restriction. Je mis de côté mes sombres pensées pour accorder mon humeur à la sienne.

- L'idiot qu'Érelyss vient de ramasser s'appelle Õshi et il a tendance à oublier la plus élémentaire politesse qu'est celle de se présenter. Et ne t'en fais pas pour ton caractère, étant moi-même un peu bourru je ne peux raisonnablement t'en blâmer. Je trouve même que cela te convient mieux d'être aussi fière.

Je me surpris encore à sourire bêtement malgré mon masque. En tout cas j'étais content qu'on ait pu dissiper la mésentente et j'étais déjà plus confiant au moment de lui soumettre mon plan en vue d'être parés au mieux pour la nuit à venir.

- Au fait, je voulais te proposer qu'on se sépare momentanément pour l'après-midi. Je me suis laissé dire qu'avec mon air de brigand je pouvais tenter de surprendre une conversation intéressante dans certaines tavernes mais je ne souhaites pas t'impliquer là-dedans irresponsablement. Tu pourrais en profiter pour te reposer si tu le veux, ou du moins manger à ton aise. J'espère revenir ici avant le crépuscule. Qu'en dis-tu ? Si tu as quelque chose d'autre à proposer je ferai moins la sourde oreille que concernant le repas, c'est promis !

Disant cela, je repris place sur le tabouret et il s'en fallut de peu pour que ce dernier trahisse à nouveau mon équilibre. Je retins un juron, j'estimais avoir déjà fait suffisamment piètre figure devant Érelyss jusqu'à présent pour ne pas me déshonorer davantage. Après tout, elle était ma collègue et elle méritait bien de pouvoir trouver en moi une personne fiable sur laquelle elle pourrait compter au moment crucial car sa vie pouvait en dépendre. Quoi qu'elle puisse espérer, je lui souhaitais plutôt une douce mort emprunte de quiétude que celle grandiose qu'elle avait mentionné. Une vie qui s'essouffle, ce n'est jamais grandiose... songeai-je, subitement revenu à ma mélancolie décidément récurrente.

- L'idiot qu'Érelyss vient de ramasser s'appelle Õshi et il a tendance à oublier la plus élémentaire politesse qu'est celle de se présenter. Et ne t'en fais pas pour ton caractère, étant moi-même un peu bourru je ne peux raisonnablement t'en blâmer. Je trouve même que cela te convient mieux d'être aussi fière.

Érelyss aurait juré qu'il souriait sous son masque, mais elle n'en avait aucune preuve. Néanmoins, le fait qu'elle détourne la conversation avait peut-être détendu l'atmosphère. La jeune guerrière se doutait que son partenaire allait lui parler plus facilement de ses plans. Elle garda alors le silence.

- Au fait, je voulais te proposer qu'on se sépare momentanément pour l'après-midi. Je me suis laissé dire qu'avec mon air de brigand je pouvais tenter de surprendre une conversation intéressante dans certaines tavernes mais je ne souhaites pas t'impliquer là-dedans irresponsablement. Tu pourrais en profiter pour te reposer si tu le veux, ou du moins manger à ton aise. J'espère revenir ici avant le crépuscule. Qu'en dis-tu ? Si tu as quelque chose d'autre à proposer je ferai moins la sourde oreille que concernant le repas, c'est promis !

Et qui protègera tes arrières s'il arrive quelque chose ? Se demanda Érelyss, tout de même inquiète. Probablement elle s'en faisait pour rien.. Mais ces temps-ci elle restait sur ses gardes. Enfin, depuis qu'elle s'était fait poignarder par ce traître qui se disait être son ami.
Je n'arriverais sans doute ni à dormir, ni à manger si j'ai la tête ailleurs, songea-t-elle.

De toute manière, elle ne mangeait jamais beaucoup, mais puisqu'elle devait prendre un maximum de force, elle s'obligerait à manger et à essayer de se reposer un peu. Bien qu'elle aurait préféré l'accompagner. La jeune femme estima alors qu'elle n'avait pas non plus le droit d'empiété sur ses choix et sa liberté. Puis il arriverait à se débrouiller tout seul... Il fallait juste qu'elle y croit. Qu'elle accorde à Õshi sa confiance. C'était le premier pas pour former une excellente équipe.

- Fait comme tu le sens, répondit-elle simplement. Je te fais confiance.

Elle se leva et scruta alors le paysage à travers la fenêtre. Puis elle se rappela qu'elle avait oubliée de lui dire quelque chose. Ces mêmes mots qu'une seule personne avait prononcé à son attention, toutes les fois ou elle avait des missions assez dangereuses.

- Õshi ? L'interpella t-elle.

Je m'inquiète pour rien, se répéta-t-elle. Au pire, peut être que le fait qu'ils soient séparés était la meilleure des solutions, s'ils restaient ensemble, il était clair qu'elle lui attirerait des ennuis. Se dire ça calmait ses doutes. Il était fort, elle en était persuadée.

- Fait attention et essaie de rester en vie.

Elle sembla réfléchir un instant puis me répondit simplement :

- Fait comme tu le sens. Je te fais confiance.

Elle se releva alors pour s'absorber dans la contemplation de l'extérieur depuis la fenêtre et je m'apprêtai à prendre la porte sans mot dire.

- Õshi ? interpella-t-elle.

Je me retournai en attendant qu'elle formule sa phrase à laquelle elle sembla accorder un temps de réflexion.

- Fait attention et essaie de rester en vie.

J'aurais souhaité rire de dépit. Rester en vie, c'était sans doute le première préoccupation des gens normaux. Moi, cela faisait longtemps, trop même, que je ne m'en souciais plus. Mais je compris que pour elle, cela partait d'une intention touchante et qu'au fond son inquiétude était sincère. Alors je lui offris ma plus belle révérence, agitant gracieusement ma main en courbant l'échine, et au geste j'ajoutai :

- Merci, prends soin de toi également.

Je la regardai un bref moment comme pour m'assurer qu'elle ait bien reçu le message. Après tout, c'est moi qui l'avais embarquée là-dedans et je m'en serais voulu qu'il lui arrive le moindre malheur. Finalement, je m'éloignai pour une durée indéterminée et il me sembla commencer à regretter de ne pas veiller sur elle. Allons, elle semble être assez forte pour s'occuper d'elle toute seule, me convainquis-je en descendant les marches de l'auberge.

Ma première halte fut chez un marchand de vêtements. Il se pouvait qu'une personne liée au trafic se souvienne m'avoir vu avec Érelyss, aussi estimai-je devoir changer d'apparence. Je troquai ma cotte de maille pourvue d'épaulières contre un pourpoint de cuir clair et me dégotai des jambières assorties avec une nouvelle paire de bottes. Mais le plus dur était de trouver un substitut pour couvrir au mieux mon visage. Par chance, il y avait une tenue comme celles qu'utilisaient les médecins pour se protéger de la peste. Il s'agissait d'une cape noire enrobant l’entièreté du corps et comprenant une cagoule à laquelle était sanglé un masque pourvu d'un bec, imitant un peu un oiseau de mauvais augure. Le tout se surmontait d'un chapeau à larges bords, c'était parfait pour moi. J'ajoutai une bonne paire de gants et avec tout cet attirail j'aurais tout à fait l'air d'une corneille malveillante.

Je me dirigeai vers le propriétaire de l'échoppe pour le régler et lui demandai s'il serait possible de me changer directement dans une arrière-salle et de lui laisser mes vêtements jusqu'au lendemain. Malgré sa perplexité, que je ne cherchai nullement à dissiper, il accepta et me montra où procéder. Ceci fait, je le remerciai chaleureusement et enchaînai mes préparatifs en me lançant à la recherche d'un armurier.

____

Spoiler :

Õshi déguisé:

Érelyss capta le geste dans son esprit, c'était comme ci elle l'avait vu avec quelques minutes d'avances. Elle savait donc qu'il lui fit la révérence sans le regarder. La jeune guerrière l'avait vu d'une autre façon qu'avec ses yeux.

- Merci, prends soin de toi également, lui répondit Õshi.

De moi ? Pourtant, personne ne peut parvenir à me tuer.. Je ne vois pas en quoi j'ai à m'inquiéter..

C'était faux, mais son amour-propre l'empêchait de se l'admettre. Elle était trop sensible émotionnellement et cela pouvait jouer contre elle. La dernière fois elle avait tellement été bouleversée par la traîtrise de Yoram que même après avoir vu son geste dans son esprit elle s'était laissée poignardée. La jeune femme ne s'était pas défendu et ce traître avait profité de cet instant de faiblesse. Comment avait-il pu lui faire croire qu'il avait tué les huit autres ?

Ils étaient dix et faisait partie des meilleurs, c'était tout bonnement impossible qu'un type de ce niveau, si doué soit-il parvienne à achever ne serait-ce qu'érafler Rave, Zaro et les autres..

Je vraiment suis naïve, quelle conne, pensa-t-elle alors.

Õshi était partît pendant qu'elle vagabondait encore une fois en son fort intérieur. Elle n'avait plus qu'à attendre. Attendre.. Ce mot ne l'enchantait guère. Puis elle regretta alors de ne pas avoir développés autant ses talents que Shins, cette dernière aurait pu prévoir les gestes des personnes à longue distance et les repéré à l'avance. Contrairement à Shins, son dons ne fonctionnait malheureusement que lorsque le danger la concernait plus ou moins, ou plutôt lorsque le danger se trouvait à une certaine proximité d'elle.

Ces fous, dire que j'ai perfectionnée cette compétence pendant que je me faisais torturé physiquement et mentalement, songea Érelyss. Et maintenant j'ai les deux camps à dos ! Je me suis mise dans une sacré situation..

Ma bourse avait encore considérablement perdu en poids après que j'aie acheté des couteaux de lancer en vue de la mission, je commençais d'ailleurs à songer que je devrais essayer de récupérer ceux que j'utiliserais à l'avenir.

Je pouvais en tout cas commencer mon investigations et je flânai donc tranquillement dans les ruelles sinueuses et puantes de Calembel, notant au passage que mon nouveau masque atténuait davantage les effluves que le précédent, ce qui me sembla fort pratique pour cette ville. J'avais bien eu envie de grimper sur un toit et d'explorer les hauteurs mais la nécessité de rester discret m'avait poussé à m'abstenir de le faire. Je passai et repassai devant toutes les tavernes de la ville jusqu'à ce que Duvaile vienne enfin m’indiquer l’une d'entre elles. Ce n’était pas une de celles mal famées que j’avais relevées plus tôt mais une à l’air fréquentée par de bonnes gens et de riches marchands. En témoignaient sa façade impeccablement entretenue et son enseigne dont la bordure en fer sculpté dessinait une palourde enserrant des lettres sculptées dans de la pierre verte qui formaient les mots « La Perle Ensablée ».

Je pénétrai les lieux pour me retrouver, aurais-je du le deviner à la lecture de l’enseigne, les pieds dans le sable. Le sol en était recouvert sur toute la surface et les tables étaient encombrées de personnes richement vêtues qui sirotaient leurs bières ou leurs vins dans un brouhaha bien moins sonore que les tavernes habituelles, les pieds nus. Les bottes de chacun étaient bien rangées près de l’entrée dans un renfoncement que des planches transformaient en étagère faite de cases qui séparaient chaque paire. Un écriteau placé en évidence m’informa que se déchausser était ici une règle à observer et je m’en trouvais relativement embêté. Cependant, j’ôtai sagement mes bottes et m’empressai d’enfoncer mes pieds blêmes aussi profondément que possible dans le sable en les traînant exagérément jusqu’à une table libre plus ou moins au milieu des autres. Une belle jeune femme blonde aux yeux azurs dont la tenue laissait paraître plus de peau que la décence ne le permettait vint rapidement s’enquérir de la boisson que je désirais. Je remarquai vite que ses collègues étaient aussi attirantes et en déduisis que c’était là un moyen d’attirer les hommes aisés et leurs bourses suffisamment pesantes pour déboucher les fûts de boissons aux prix exorbitants que proposait la maison. Ce boulot m’aura davantage coûté que rapporté ! jurai-je intérieurement en payant une pinte de la moins chère de leurs bières qui me fut servie on ne peut plus vite. Je n’y touchai pourtant pas et me contentai d’écouter les conversations autour de moi, en scrutant chaque personne présente. Mon attention fut attirée par un homme fringant, tout décoré de soie bleutée qui discutait avec un autre, nettement plus costaud, qui avait posé contre la table une flamberge de taille impressionnante dans un fourreau dorsal. Ils parlaient de se retrouver près de la jetée avec d’autres personnes juste après la mi nuit pour se concerter avant d’embarquer. Je tenais donc là une partie des mercenaires engagés pour protéger la marchandise, et ils m’apprirent à leur insu l’heure, le lieu et le nombre de personnes dont il était question. J’attendis leur départ, et même longtemps après, pour bouger et ils s’attardèrent si bien que le soir tombait lorsque je quittai la taverne.

Je me dépêchai de récupérer Duvaile sous ma cape noire et de rejoindre l’auberge où j’avais loué une chambre avec Érelyss, de crainte qu’elle commence à croire que je traînais. Je m’introduisis dans la pièce où je l’avais laissée en ouvrant la porte avec ma délicatesse coutumière sans songer qu’elle puisse se demander qui j’étais.

Érelyss ne pouvait pas tenir en place. Quelque chose l'en empêchait peut être était-ce le fait qu'elle était en proie à des doutes. La jeune femme faisait les cent pas sans pouvoir contenir son stresse. Décidément perdu dans ses pensées elle se demandait ce que pouvait bien faire son partenaire.. Elle n'arrivait pas à dormir, elle n'était pas allée manger. Elle hésita à sortir puis après un instant elle se résigna à rester. Ne pas bouger dans un moment pareil...

Allez Lyss reprend-toi, se dit-elle intérieurement.

Cela la calma un peu. La guerrière s'asseyait au bord du lit et ferma les yeux.

Visualiser.

Elle su deviner le nombre de clients dans l'auberge, elle les sentait vibrer, bouger, respirer. Comme un dessin qui défile sous ses yeux. Après une profonde inspiration elle avait atteint ce qu'elle-même nommait l'harmonie. L'harmonie de pouvoir étendre à une certaine distance sa capacité sans être à proximité ou être en danger. Il y eut comme un déclic lorsqu'elle ressentît une personne qui approchait de sa chambre. La jeune femme se leva et se dissimula dans le peu d'ombre qu'il y avait ici. Érelyss restait tout de même prudente.. La porte s'ouvrit, puis elle découvrit un étranger en tenu assez sombre et avec une sorte de masque qu'elle n'avait jamais vu nulle part, enfin ce n'était pas comme ci à ce moment-là elle se concentrait sur cela. Avec autant d'agilité, de vitesse et d'agressivité qu'elle possédait, elle sortît des ténèbres puis s'élança vers l'inconnu en enchaînant rapidement une acrobatie de déplacement à un excellent jeu de jambes pour faucher les pieds de son adversaire. Pris de surprise, il n'avait pas eu le temps de réagir et elle profita de l'avoir fait tomber au sol pour appuyer son genou sur son torse et ainsi bloquer un quelconque mouvement pour se relever. Avec fluidité et habilité elle saisie un poignard de sa veste qu'elle plaça a proximité de sa gorge. Maintenant qu'elle le voyait mieux, elle trouvait la carrure de cette personne curieusement familière. Érelyss ne broncha pas un seul instant et jeta froidement :

- Identifie-toi.

Je n'avais pas tout de suite réalisé pourquoi je voyais subitement le plafond, mais le visage d'Érelyss penchée sur moi me rappela vite que j'étais méconnaissable et qu'elle avait un caractère bien trempé qu'elle savait visiblement affirmer par une dextérité incroyable au combat. Je ne pus cependant résister à la tentation de la farce et lui répondis d'une voix spectrale et méconnaissable :

- Je suis... ton pire cauchemar !

Et aussitôt j'éclatai de ce même rire qu'elle m'avait arraché plus tôt dans la journée. Décidément, ce n'était pas dans mes habitudes de m'amuser, mais ses réactions me distrayaient vraiment de mes sombres pensées coutumières et j'appréciai de songer un peu à autre chose, de pouvoir cesser -ne serait-ce que l'espace d'un instant- de ruminer les évènements de ce jour maudit où j'avais damné mon âme en vain, incapable que j'étais alors de sauver mes frères.

- C'est moi, Õshi, repris-je d'une voix presque normale alors que je pouffais encore.

J'ignorais si je l'avais vraiment rassurée, mais en tout cas je pus me relever et m'épousseter. Je me dirigeai directement vers le secrétaire dans l'intention de m'asseoir sous la chaise qui se déroba sous moi. Une seule après-midi avait suffit à me faire oublier qu'elle était bancale. Avec une telle signature, elle ne pouvait plus aucunement douter de mon identité au moins. J'entrepris alors de lui relater succinctement le déroulement de mes investigations :

- J'ai dû changer d'apparence pour ne pas qu'on fasse le lien entre toi et moi, de peur que quelqu'un nous ai repéré ensembles. Puis j'ai passé la journée à arpenter les rues à la recherche de quelqu'un de suspect et je pense avoir identifié deux mercenaires embauchés par notre trafiquant qui discutaient dans une taverne étrangement bienséante pour des brigands. J'ai pris cela pour un signe de richesse malhonnêtement acquise en tout cas. Soit, en les écoutant, j'ai appris qu'ils devaient rejoindre trois autres personnes peu après minuit sous la jetée. Et finalement j'ai été contraint d'attendre qu'ils daignent s'en aller pour moi-même repartir discrètement. Et de ton côté, ça a été ?

Une voix qu'elle ne reconnut pas tout de suite lui répondit :

- Je suis... ton pire cauchemar !

Puis un rire familier lui parvint aux oreilles, pas moqueur, seulement amusé, comme celui qu'on adresse à un ami. Elle s'était subitement adoucis, ça devait être un allié. Une personne de son côté..

- C'est moi, Õshi, repris-t-il d'une voix presque normale alors qu'il pouffait encore.

La jeune femme s'écarta pour le laisser respirer et rangea son arme dans une de ses bottes. Érelyss se demanda pourquoi il ne portait pas la même tenue et pourquoi son partenaire avait eu la bonne idée de lui faire une peur pareille. Son coéquipier voulu s'asseoir sur la chaise, mais celle-ci lui joua encore un mauvais tours. Érelyss tenta de dissimuler un sourire moqueur, mais heureusement son compagnon d'arme passa directement à son rapport.

- J'ai dû changer d'apparence pour ne pas qu'on fasse le lien entre toi et moi, de peur que quelqu'un nous ai repéré ensembles. Puis j'ai passé la journée à arpenter les rues à la recherche de quelqu'un de suspect et je pense avoir identifié deux mercenaires embauchés par notre trafiquant qui discutaient dans une taverne étrangement bienséante pour des brigands. J'ai pris cela pour un signe de richesse malhonnêtement acquise en tout cas. Soit, en les écoutant, j'ai appris qu'ils devaient rejoindre trois autres personnes peu après minuit sous la jetée. Et finalement j'ai été contraint d'attendre qu'ils daignent s'en aller pour moi-même repartir discrètement. Et de ton côté, ça a été ?

- Ouais, acquiesça-t-elle vaguement. Je n'avais pas vraiment à m'en faire tu sais, j'étais en sécurité.

Deux mercenaires ! Songea-t-elle sérieusement. Après minuit..
Elle revint à la réalité, puis avec un sourire gêné elle ajouta :

- Désolé de t'avoir attaqué.

Elle avait donc bien profité de la journée pour se reposer apriori. C'est vrai qu'elle venait de me démontrer qu'elle était en forme pour cette nuit et cela me rassurait.

- Pas de mal, j'avais déjà oublié que j'étais méconnaissable. Par contre pour ce qui est de te sentir en sécurité...

Je glissai mes doigts sous une latte de bois branlante, manquant d'arracher un pan entier de la cloison qui nous séparait de la pièce voisine.

- Cette vulgaire hutte ne résisterait pas à un simple coup de fronde, déplorai-je.

Je pense avoir laissé s'écouler un moment durant lequel je dus être un peu absent, perdu dans quelque songe dénué d'intérêt. J'avais toujours les yeux fixés sur Érelyss mais je ne la voyais guère, des fantômes du passé imposant leur image dans mon esprit qui s'égarait. Avons-nous trop négligé nos défenses pour que cela puisse se produire ? Je finis par me reprendre et me relever d'un bond, qui envoya ce maudit tabouret au sol, en déclarant à ma comparse :

- Bien, on a le temps de discuter et je serai ravi d'entendre tes plans si tu en as déjà. Et puis, si on allait manger ?

Moi et mes question rhétoriques ! Je n'avais pas attendu de réponse que déjà j'avais un pied dans le couloir, résolus à aborder l'aubergiste mal éduquée qui nous logeait. Une fois en bas, j'appréciai de découvrir une salle presque vide où nous pourrions être tranquille pendant qu'Érelyss mangerait. Je m'approchai de la loueuse rondouillarde et lui demandai sans politesse :

- Avez-vous fait préparer un repas digne de ma Dame ? Elle sera là incessamment, et je souhaite vivement qu'elle soit comblée par son assiette.

Pas de négociations ni de vaines courbettes d'élégances avec de telles gens, tout les prédisposait à vous piétiner si vous cédiez la moindre exigence à la courtoisie. Avant même d'entendre l'énoncé du menu, je me tournai vers les tables pour repérer celle qui me semblerait la mieux disposée. Et il s'en trouvait une non loin du foyer allumé qui me faisait de l'oeil.

- Pas de mal, j'avais déjà oublié que j'étais méconnaissable. Par contre pour ce qui est de te sentir en sécurité...

Son partenaire manqua d'arracher la cloison qui les séparaient de la chambre d'à côté. Érelyss avait déjà remarquée certaine faille au niveau de la sécurité, mais là c'était bien exagéré. De toute manière qui pouvait douter d'une femme aussi innocente qu'elle ? Elle n'aurait jamais pu se faire attaquer, sauf par une certaine personne..

- Cette vulgaire hutte ne résisterait pas à un simple coup de fronde, déplora Õshi.

C'est vrai, acquiesça-t-elle intérieurement. Mais cela ne la dérangeait absolument pas. Peu importe si l'endroit était confortable ou non, elle ne se sentait jamais en sureté donc tout cela l'importait peu.
Deux mercenaires chacun ? Non, je pourrais m'en occuper, comme-ça il peut se charger du trafiquant..
Elle remarqua le regard d'Õshi dirigé dans sa direction, mais s'était comme s'il y avait un voile entre eux qui l'empêchait de réellement la voir. La jeune femme s'apprêtait à lui demander si ça allait, mais il se leva d'un bond en envoyant le tabouret au sol.

- Bien, on a le temps de discuter et je serai ravi d'entendre tes plans si tu en as déjà. Et puis, si on allait manger ?

Avant qu'elle n'aie le temps de parler, il était déjà repartit sans attendre sa réponse. Érelyss s'élança à sa suite, ne souhaitant pas de nouveau rester en retrait, car en vérité elle haïssait cela. L'auberge était pratiquement vide et la jeune guerrière souris en pensant que cette bonne vieille femme les avaient probablement fait fuir. Son compagnon quant à lui ne perdit pas de temps avec ce détail.

- Avez-vous fait préparer un repas digne de ma Dame ? Elle sera là incessamment, et je souhaite vivement qu'elle soit comblée par son assiette.

Elle fut surprise qu'il ne montre pas plus de courtoisie à l'aubergiste, mais ne fit aucun commentaire sur son comportement. Elle tenta juste de se faire petite et de ne pas se faire trop remarquer.

J'interrogeai ma collègue du regard mais cette dernière ne semblait pas vouloir prendre d'initiative, aussi me dirigeai-je vers la table pour laquelle j'avais opté, laissant la place la plus proche du feu pour Érelyss. Il y avait des tâches de vin incrustées dans le bois abîmé où de précédents clients avaient parfois laissé des gravures avec leurs lames. J'ôtai mon chapeau lorsque je m'assis et le déposai devant moi.

Je n'avais rien prévu pour la suite de la soirée, ni quoi faire en attendant minuit, ni comment agir pour capturer le criminel. Pour ce point je comptais m'en remettre à Érelyss car peu m'importait la manière tant que les résultats suivaient, j'aimais autant la laisser libre de travailler selon ses habitudes. Du coup, après qu'elle se fut installée, je lui demandai :

- Alors, comment comptes-tu t'y prendre ? Je t'écoute.

Le tout était maintenant de faire ce que je venais de dire et non pas de laisser mon esprit vagabonder librement comme trop souvent. D'ailleurs je commençais déjà à m'interroger sur le menu qui avait été préparé. Et puis mon regard fut attiré un instant par le feu qui me fascinait par sa danse abstraite autant qu'il me rendait mélancolique. Non, il fallait que je me concentre. Je fixai mon regard sur Érelyss, m'accrochant à ses yeux sombres pour suivre les paroles que j'attendais d'elle.

Érelyss suivît Õshi jusqu'à la table et pris place en face de lui. Elle se sentait bien au chaud et pour cause, elle était la plus proche du feu. Elle se dit que les maisons familiales devait être aussi chaleureuse et confortable.. Elle n'avait jamais grandi dans un endroit aussi bon-à-vivre.

Vie facile, songea la jeune guerrière. Trop facile !

Le destin avait décidé pour elle des épreuves bien plus dur à surmonter que toutes ces autres personnes banals. La jeune femme aurait juste aimé avoir une enfance aussi heureuse qu'eux. Seulement revoir sa mère et son père... Elle ne se souvenait même plus de leurs visages.

Son collègue déposa son chapeau devant lui, sur la table, puis il lui demanda :
- Alors, comment comptes-tu t'y prendre ? Je t'écoute.

M'y prendre ? Pensa-t-elle, surprise. Je n'ai jamais à me poser la question d'habitude..

Mais étant donné que c'était un travail d'équipe, valait mieux qu'ils soient coordonnés dans chacun de leurs mouvements. En vérité, s'ils avaient grandi et avaient été entraînés ensemble les choses auraient été bien plus simple. Elle commença à parler et se fut comme si la stratégie s'imposait au fur et à mesure qu'elle parlait :

- En général je ne prévois pas de plan et j'improvise.. Je fais confiance à mon instinct. Mais vaut mieux que nous soyons en accord.. Si une équipe n'est pas bien organisée, la mission est vouée à l'échec. Il faudrait qu'on se charge des hommes de mains qu'il a engagé et du trafiquant à la fois, sinon il pourrait profiter du fait qu'on ne s'occupe que des mercenaires pour s'échapper...

La jeune femme interrogea son partenaire du regard pour avoir son avis sur le début de planification stratégique qu'elle proposait.

Comme elle parlait, je notai la douceur et le sang-froid avec lequel elle exposait ses projets, sans douter un seul instant ni sembler y réfléchir seulement. Sa façon de s'exprimer avait même quelque chose d'effrayant.

S'occuper de cinq personnes en même temps ? Cela me semblait compliqué, mais si elle était aussi redoutable qu'elle le semblait, elle pourrait probablement permettre la réussite d'une telle entreprise. Comme elle marqua une pause en m'interrogeant du regard, je l'interrompis brièvement pour lui préciser un point qui me parut essentiel :

- Tu as sans doute raison. Mais pour être honnête, j'ai peur de ne pas exceller au combat. Si nous bénéficions de la surprise, je pourrai éventuellement assassiner un mercenaire puis immobiliser le trafiquant. Après cela, j'ai peur de ne plus être très utile, sauf pour distraire les hommes restant.

Alors que je marquais un silence, un employé de l'auberge vint près de nous et demanda d'un d'une voix courtoise :

- Désirez-vous manger maintenant ?

- Tu as sans doute raison. Mais pour être honnête, j'ai peur de ne pas exceller au combat. Si nous bénéficions de la surprise, je pourrai éventuellement assassiner un mercenaire puis immobiliser le trafiquant. Après cela, j'ai peur de ne plus être très utile, sauf pour distraire les hommes restant.

Distraire les hommes restant..
En analysant chacune des paroles de son partenaire, elle se rendit compte que le fait que leurs nombre ne soit pas leurs points fort il faudrait faire cela avec discrétion.
Peux être les séparés du groupe et les attaquer un par un, sans qu'il ne s'en aperçoive.. Leurs tendre un piège ?

Elle était rapide, elle se sentait capable de les affronter. Rien ne l'effrayait. Vraiment rien.

- Désirez-vous manger maintenant ?

Elle ne se renseigna pas sur le menu. Peux importe ce serait une surprise..

- Oui, je veux bien, acquiesça-t-elle.

L'employé s'inclina respectueusement et repris son travail. La jeune femme fit un sourire qu'elle voulait rassurant à son collègue, puis reprit :

- Ce que tu dis est intéressant. Nous avons un avantage si nous disposons de l'effet de surprise et ne t'inquiète pas pour des détails pareils.. Je protégerais tes arrières, tu n'as absolument pas à t'en faire.

- Rien pour moi, glissai-je avant que le jeune commis ne reparte en s'inclinant.

Je replongeai mon regard dans les yeux d'Érelyss, craignant qu'elle ne soit déçue par les piètres capacités que je venais de lui avouer mais il n'en fut rien.

- Ce que tu dis est intéressant. Nous avons un avantage si nous disposons de l'effet de surprise et ne t'inquiète pas pour des détails pareils.. Je protégerais tes arrières, tu n'as absolument pas à t'en faire.

Le fait qu'elle le prenne aussi bien me soulagea, et je commençais même à croire que nous pourrions travailler de façon complémentaire pour accomplir cette mission.

- Je ne m'inquiètes pas tant pour moi que pour toi, en fait. D'ailleurs je ne crains aucunement d'être au coeur de la mêlée car si je suis mauvais bretteur, ma solidité est à toute épreuve. Si tu te sens de les éliminer à distance pendant qu'ils se concentrent sur moi, cela me convient. Mais si tu es plus à l'aise au corps-à-corps, je ferai de mon mieux pour éviter de te laisser submerger.

Je n'avais pas eu le temps de terminer ma phrase que déjà reparaissait notre dévoué serveur avec le plat de la demoiselle et deux verres d'eau. Je n'eus même pas le loisir de le refuser tant l'homme se retira prestement et je me demandais bien ce que j'allais faire du breuvage, si ce n'est proposer à Érelyss de le boire à ma place.

- Je ne m'inquiètes pas tant pour moi que pour toi, en fait. D'ailleurs je ne crains aucunement d'être au coeur de la mêlée car si je suis mauvais bretteur, ma solidité est à toute épreuve. Si tu te sens de les éliminer à distance pendant qu'ils se concentrent sur moi, cela me convient. Mais si tu es plus à l'aise au corps-à-corps, je ferai de mon mieux pour éviter de te laisser submerger.

Õshi laissa sa phrase en suspens lorsque le serveur réapparut avec une assiette et deux verres contenant de l'eau. Érelyss remercia d'un signe de tête l'employé qui s'éloigna aussitôt. La jeune femme n'accorda pas plus d'intention à la nourriture. Peux importe si c'était bon ou mauvais, c'était à manger et on ne gaspille pas la bouffe comme ça. Elle faillit tout de même lever les yeux au ciel, elle ne savait pas si elle allait être capable de tout manger et l'assiette était pleine. En général elle mangeait très peu. Un morceau de pain lui aurait clairement suffît.

La guerrière commença à dîner tranquillement. Si seulement tous ses repas avaient pu se faire dans un tel calme. Elle pris une gorgée d'eau pour desséchée sa gorge. Elle n'aimait pas vraiment prendre son repas devant des gens qui, eux, n'avaient rien, mais si son collègue avait faim il le ferait savoir. Après ce long silence ou elle n'avait touchée qu'à la moitié de son plat, elle adressa à son partenaire :

- Je peux me battre à distance ou au corps-à-corps, mais j'ai vraiment une préférence pour les combats rapprocher.

Tandis qu'Érelyss mangeait tranquillement, je mis le silence à profit pour me plonger dans la réflexion et n'en sorti que lorsque j'entendis le son de sa voix.

- Je peux me battre à distance ou au corps-à-corps, mais j'ai vraiment une préférence pour les combats rapprocher.

- Dans ce cas je ferai mon possible pour te couvrir, répondis-je simplement.

Nous discutâmes encore longuement de la stratégie que nous envisagions de mettre en place et je m'absorbai tellement dans les propos qui furent tenus que j'en oubliai le verre d'eau qui resta finalement sur la table, intouché.

Et puis nous attendîmes patiemment que l'heure vienne. J'aurais bien volontiers flâner dans les rues en solitaire durant le temps qu'il restait mais m'éloigner de ma partenaire me semblait alors peu judicieux. Un beau croissant de lune se reflétait dans la mer, distordu par les remous que provoquait la brise relativement ardue qui venait des océans. Je m'attardai un instant à contempler le ciel étoilé avant de m'approcher avec circonspection de la jetée. L'heure n'était pas encore tout à fait venue mais j'aperçus déjà cinq personnes qui se tenaient là, mais je ne distinguai pas la marchandise que l'on était supposé intercepter. Sans doute devaient-ils encore aller la cherche là où elle était cachée.

- Je pense qu'on a nos hommes. Il va être difficile de s'approcher discrètement, j'espère qu'on pourra profiter d'une ouverture pour se mettre en position lorsqu'ils iront chercher la marchandise, murmurai-je à Érelyss.

_____

(HRP : Je me suis permis d'avancer un peu pour ne pas éterniser non plus, j'espère que ça ne te dérange pas.)

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